Selon Laurent Wauquiez, l’emploi des seniors a augmenté de plus d’un point en un an. Une progression inédite qu’il impute aux plans d’action que les entreprises devaient conclure d’ici au 31 mars
Entretien avec Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi
La Croix : vous aviez donné jusqu’au 1er janvier aux grandes entreprises, puis jusqu’au 31 mars aux PME de plus de 50 salariés, pour mettre en place un plan d’action en faveur des seniors. Où en est-on ?
Pour plus d'infos cliquez:
Laurent Wauquiez : C’est un vrai succès. Au 1er avril, plus de 28 000 entreprises ont soit négocié un accord sur l’emploi des seniors, soit adopté un plan d’action. De plus, 97 branches professionnelles ont également négocié un accord. 81 accords ont déjà été validés. Les trois quarts des salariés du privé, soit plus de 13 millions de personnes, sont désormais couverts par des actions pour les seniors.
Les mesures les plus utilisées concernent le tutorat, l’accès à la formation et l’anticipation de l’évolution de carrière. Bouygues par exemple, avec son opération « casques oranges », permet aux plus jeunes d’être accompagnés par des salariés expérimentés. L’Oréal fait des bilans de carrière à 50 ans. Mais il y a aussi des PME, par exemple à Saint-Étienne, qui misent sur la formation des seniors…
Il nous reste à progresser sur le volet embauches et j’aimerais renforcer le dispositif tutorat, qui est un outil essentiel. Le chemin parcouru est immense. Il y a deux ans, personne ne s’occupait des seniors, et dans la politique ressources humaines des entreprises, c’était le dernier sujet. Aujourd’hui, on en a fait une priorité. Ce n’est pas qu’un sujet emploi, c’est un sujet de société : quelle place faisons-nous à nos seniors dans la société moderne ?
Allez-vous faire payer aux entreprises récalcitrantes la pénalité prévue, égale à 1 % de la masse salariale ?
Avec Christine Lagarde, nous avons toujours dit que notre priorité, ce n’était pas de récupérer de l’argent mais d’entraîner le plus possible d’entreprises dans le mouvement. Néanmoins, pour celles qui n’auront rien fait, la sanction sera appliquée. On va attendre que l’ensemble des accords de branche soit validé puis, d’ici à la fin de l’été, on va engager une campagne de contrôle des entreprises non couvertes, de façon à ce qu’on puisse appliquer d’éventuelles sanctions dès cette année 2010.
Est-ce que cela sera suffisant pour faire progresser le taux d’emploi des seniors, notoirement faible en France ?
Notre mobilisation a déjà payé et nous sommes en train de récolter les fruits de nos efforts. La situation française n’était pas favorable par rapport à la moyenne européenne mais elle s’améliore vite. Alors que la moyenne européenne restait stable, notre taux d’emploi des 55-64 ans, qui se situait aux alentours de 38 % en 2008, a grimpé à 39,1 % au quatrième trimestre 2009. Jamais le taux d’emploi des seniors n’avait autant progressé en France, surtout en temps de crise. L’accélération s’est produite au troisième trimestre 2009 au moment où nous enclenchions notre plan d’emploi des seniors.
On est en train de sortir de trente ans d’impasse et de montrer qu’on peut se battre pour l’emploi des jeunes sans exclure les seniors du marché du travail. D’abord nous avons mis fin au financement public des préretraites qui a massacré l’emploi des plus de 50 ans : il y en avait 200 000 en 1997 et 1998 à l’époque de Martine Aubry, ce qui était une facilité pour camoufler les statistiques du chômage. Nous y avons mis fin ; il n’y en avait plus que 2 300 en 2009.
Par ailleurs, nous avons rendu plus intéressant le choix des seniors qui veulent continuer à travailler en améliorant le cumul emploi retraite (NDLR : désormais autorisé sans plafond pour les personnes ayant toutes leurs annuités), qui concerne plus de 200 000 personnes, et la surcote (NDLR : qui permet d’augmenter la pension de 5 % par année supplémentaire travaillée par rapport au minimum requis), qui touche désormais 13,4 % des assurés dans le privé (contre 5 % en 2005). Ce sont des dispositifs à stabiliser dans la durée.
Pensez-vous que le report de l’âge légal de départ à la retraite est nécessaire pour aller plus loin ?
Ce que je peux dire, c’est que l’âge légal a une incidence sur l’emploi des seniors. En France, le taux d’emploi des 55-59 ans n’est pas si mauvais (58,5 % au quatrième trimestre 2009, contre 60 % pour l’Union européenne à 27). En revanche, au-delà de 60 ans, on a beaucoup plus de mal, avec un taux d’emploi des 60-64 ans de 17 %, contre 30 % en moyenne dans l’UE. Mais mon travail n’est pas la réforme des retraites. Ma bataille, c’est de lutter contre les discriminations auxquelles se heurtaient les plus de 50 ans pour trouver un emploi.
Recueilli par Nathalie BIRCHEM
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire