lundi 31 janvier 2011

Licencier ses salariés devient un jeu de société


"Plan social", le jeu provocateur qui cartonne
Plan social, "le jeu préféré des grands patrons" est un jeu de cartes politiquement incorrect. Le but ? Se débarrasser de toutes ses cartes en licenciant ses employés et finir par délocaliser en Chine pour remporter la partie. Avec des points en plus quand on arrive à mettre dehors un syndicaliste ou une femme enceinte. Ce jeu remporte même un énorme succès. Avec 3000 exemplaires écoulés en quelques semaines pendant Noël, Plan social est déjà en rupture de stock.
Pour plus d'infos cliquez:



Peut-on vraiment s'amuser en jouant à faire un plan social ? Est-ce que cela sert de catharsis ? La catharsis est l'épuration des passions par le moyen de la représentation dramatique : en assistant à un spectacle théâtral, l'être humain se libère de ses pulsions, angoisses ou fantasmes en les vivant à travers le héros ou les situations représentées sous ses yeux. Utilisée notamment par le cinéma, le théâtre et la littérature, elle montre le destin tragique de ceux qui ont cédé à ces pulsions. En vivant ces destins malheureux par procuration, les spectateurs ou lecteurs sont censés prendre en aversion les passions qui les ont provoquées. C'est cette représentation qui permet au spectateur de se défouler.

Le professeur Michel Lejoyeux chef de service de psychiatrie à l'hopital Bichat à Paris déclare "C'est à la fois hallucinant et révélateur. (...) Sur le fond l'idée est moralement inacceptable (...) Il ne faut pas que sous prétexte de dérision, on banalise le déni de souffrances. (...) On peut se demander de quoi sera fait le prochain jeu : le suicide en entreprise, par exemple ?"

Lamentable et cynique. Si vous faites partie des gens qui ont acheté ce jeu, s'il vous plaît désabonnez-vous de mon blog.

Voici l'interview du créateur :
Comment expliquer ce succès en période de crise ? Pour le savoir, FmR a posé quelques questions à John-Harvey Marwanny, qui a créé ce jeu à la fois cynique et drôle avec son associé Hans Margoulinski. Interview exclusive du plus mystérieux des grands patrons !
Un jeu de cartes où il faut virer tous ses salariés qui sort alors que le chômage est au plus haut, c'est un peu de la provocation ?
Mais pas du tout ! Le jeu "Plan social" s'inscrit dans la démarche du "développement personnel sans douleur", un concept développé par la Marwanny Corporation pour aider l'individu à s'épanouir pleinement. En effet, il permet au commun des mortels de s'entraîner à devenir un actionnaire efficace, capable de licencier sans états d'âme afin d'optimiser les bénéfices de l'entreprise - et par conséquent ses plus-values. J'aide donc les gens à s'épanouir, à réussir et à s'enrichir : vous appelez ça de la provocation ?

Est-ce qu'on peut vraiment rire de tout ?
Je laisse le soin aux philosophes d'en débattre. Pour ma part, j'aide mon prochain et j'optimise les bénéfices.

Comment expliquer le succès du jeu ?
Un bon produit rencontre toujours le succès, c'est l'une des lois élémentaires du marché. Vous devriez tout de même le savoir, vous qui travaillez dans le domaine économique.

Le jeu est en rupture de stock quand sera-t-il à nouveau disponible ?
Le 3 février. Il est déjà possible de commander le jeu sur le site de la Marwanny Corporation, les acheteurs seront livrés dès la semaine prochaine.

Est-ce qu'on peut imaginer à l'avenir un jeu de cartes dont le principe serait d'embaucher un maximum de personnes avec des points en plus quand on recrute un senior, un jeune sans diplôme ou un handicapé ?
Je vais demander à mon service prospective d'étudier le potentiel commercial d'un tel jeu et, si celui-ci est intéressant, nous lancerons la production sans délai !

"Plan Social", un "élégant boîtier de 12,5 x 10 cm", 55 cartes + règles du jeu Impression couleur 11,99 euros.

8 commentaires:

  1. Je m'associe à votre révolte, Elisabeth !
    Et je ne crois pas un seul instant à une prétendue valeur "cathartique" de ce type de jeu ! Il vient seulement stimuler les émotions cachées (et pas tjrs avouables) des joueurs : vengeance, perversion, manque de recul, capacité à se faire manipuler par méconnaissance, absence de réflexion...

    Et d'ailleurs, est-ce vraiment un succès ? au fond, même si 3000 ventes c'est déjà 3000 de trop, ce ne sont QUE 3000 acheteurs !
    En tout cas, c'est ma façon à moi de me rassurer ;-)

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  2. malheureusement pour certain la vie d'autrui est un jeu, licencier des personnes c'est risible pour certains, personnellement le chômage chez moi on connait et les galères qui vont avec. Les personnes qui créent ces jeux idiots rigoleraient moins si leurs proches étaient directement concernés. mais à l'heure actuelle tout fait rire tant qu'on est pas concerné, c'est affligeant.

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  3. Se gausser de personnes qui perdent un travail , rire du malheur et jouir du dramatique c est humainement inacceptable .

    Cependant , la plupart des jeux sont basés sur les guerres , massacres et diverses cruautés dont l humain se régale quand les circonstances s y prêtent . Rendre ludique une abomination n est pas nouveau , celle-ci serait pire que d autres ?

    Un jeu video ou le but est d ecraser le maximum de pieton , de conquerir les nations ennemies,de tuer a coups de haches son voisin qui convoite la même princesse que toi etc.. est il moins choquant et devrait il aussi être interdit ?

    Simplement le vieux monopoly qui apprend qu avoir et etre riche c est etre gagnant correspondrait a des valeurs a enseigner ?

    On peut rire de tout mais pas avec n imorte qui ?
    Question qui s applique chaque jour

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  4. C'est vraiment de l'abus, comme si de perdre son boulot est un jeu , c'est drolement marrant de ne plus avoir de quoi nourrir les gosses et de risquer de perdre le peu qu'on a réussi à avoir ...
    Je suis vraiment choquée même si on ne doit pas tout prendre au premier degré ...
    Pour moi ce jeu ne devrait pas être autorisé .

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  5. Comme il est dans l'article, la catharsis marche si elle est employée dans un but pédagogique, et qu'elle montre "le destin tragique de ceux qui ont cédé à (leurs) pulsions". Sinon, c'est tout simplement du cynisme, et la banalisation de situations extrêmes. Cela rappelle l'utilisation par l'armée américaine de jeux vidéo pour habituer les soldats à tirer sans état d'âme sur l'ennemi.

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  6. "Peut-on vraiment s'amuser en jouant à faire un plan social ? Est-ce que cela sert de catharsis ? Il ne faut pas que sous prétexte de dérision, on banalise le déni de souffrances. On peut se demander de quoi sera fait le prochain jeu : le suicide en entreprise, un voyage à Auschwitz par exemple ? C'est tout simplement du cynisme, et la banalisation de situations extrêmes. Cela rappelle l'utilisation par l'armée américaine de jeux vidéo pour habituer les soldats à tirer sans état d'âme sur l'ennemi. Rendre ludique une abomination n est pas nouveau : la plupart des jeux vidéo sont basés sur les guerres, les massacres et diverses cruautés dont l’humain se régale quand les circonstances s’y prêtent. Je suis une professionnelle du recrutement et n’ai aucun humour par rapport à l’emploi. Je proposerais donc un jeu de cartes dont le principe serait d'embaucher un maximum de personnes avec des points en plus quand on recrute un senior, un jeune sans diplôme ou un handicapé. "

    Merci sincèrement à tous (ou presque) de vous élever contre ce qui fait hurler de rire certains et qui a la faculté d'en faire pleurer d’autres. En tant que professionnelle du recrutement, je tiens à votre disposition les lettres déchirantes de demandes d'emploi, les chômeurs touchés par les plans sociaux n'ont en effet aucun humour ni au 1er degré ni au 5ème. Mais je vais peut-être acheter ce jeu et faire jouer ces chômeurs pour qu'ils comprennent mieux pourquoi ils ont été virés !!!!! Cela leur permettra sûrement "de s'approprier les mécanismes de la vie des grandes entreprises et du marché"....

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  7. La banalisation et la perte de conscience ?
    Nous parlions, Elisabeth, ensemble de culture, mais la culture sauve-t-elle les valeurs ? Celles qui sont essentielles tant pour vivre en société que dans les entreprises.
    Cet article fait peur et me rapelle Acide Sulfurique d'Amélie Nothomb !
    Misons que ce jeux n'a pas vraiment trouvé son public.

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  8. Vous faites un lourd contresens sur ce jeu. Renseignez-vous sur son éditeur (http://www.arplay-editions.com/), observez les pseudonymes de leurs auteurs : il s'agit non de cynisme mais tout au contraire de dénonciation. Ce jeu dénonce le cynisme d'un système économique où les « ressources humaines » sont jetables, comme toutes les ressources d'ailleurs.

    Il est significatif que ce jeu mette en colère tant de gens qui n'ont pas l'air de s'indigner que la plupart des jeux, à commencer par les échecs, ont pour thème la guerre. Dans nos sociétés, la guerre ne se fait plus avec des fusils mais à travers l'injustice sociale.

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