mardi 14 décembre 2010

La génération Y n'existe pas...


Professeur en gestion des ressources humaines à Rouen business school, Jean Pralong a réalisé une étude sur l’image du travail selon la génération Y. Sa conclusion est étonnante : pour lui, la génération Y n’existe pas. Explications…
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Pour quelles raisons avez-vous réalisé cette étude sur la génération Y ?
La question des générations revient sur le devant de la scène tous les 25 ans, avec un circuit de production assez classique qui démarre généralement par des recherches dans les universités nord-américaines, puis de la littérature que s’approprient les consultants. L’apparition de la génération Y dans les médias s’est faite dans l’autre sens. Tout est parti des consultants et des managers, il n’y a pas eu de véritable travail académique. L’objectif de cette étude, c’était donc de vérifier qu’il y avait bel et bien une génération Y.

Comment avez-vous procédé ?
Nous avons constitué quatre échantillons distincts composés d’étudiants et de jeunes cadres de la génération Y (20-30 ans), de cadres de la génération X (30-45 ans) et de cadres baby-boomers. Nous les avons interrogés sur l’image du travail, leurs attentes par rapport à la carrière, leur comportement envers leurs managers... Au total, 600 personnes ont été sondées.

Quels résultats avez-vous obtenus ?
L’étude a montré que la génération Y n’existe pas. Les cadres qui ont entre 20 et 45 ans ont la même posture par rapport au travail et à la carrière. Ils partagent l’intérêt de l’opportunisme, l’idée que l’entreprise ne fera pas leur carrière, et qu’ils doivent donc s’en charger, que les collègues sont des gens sympathiques, mais dont il faut se méfier... Ils se distinguent également par des attentes assez fortes envers leurs managers, mais là encore, en se méfiant de cette relation de contrôle et de supervision. Et de manière sous-jacente, on s’aperçoit qu’ils sont aussi très inquiets par rapport au marché du travail et au chômage. Même s’ils sont cadres et en CDI, ils ont conscience que l’emploi est une notion précaire.

Comment les DRH doivent-elles gérer ces générations X et Y qui pour vous ne font qu’une ?
Elles vont devoir reconstruire un New Deal entre les salariés et leurs managers, en essayant de voir ce qu’elles peuvent mettre dans la corbeille de mariage, et comment tenir leurs promesses. Il y a souvent un grand décalage entre ce qui est promis et la réalité du terrain, et c’est cela qui casse la relation de confiance. Il faudra donc que les entreprises construisent des images employeur avec des promesses crédibles qu’elles pourront honorer.

Que faut-il mettre dans la corbeille de mariage ?
D’abord des engagements de long terme et de formation. Les entreprises devraient également donner une deuxième chance aux cadres qui n’auraient pas réussi sur un premier poste, chose que l’on faisait naturellement autrefois. Il serait aussi à mon sens intéressant de redéfinir le rôle des managers et des RRH. Je crois personnellement beaucoup à l’instauration de RH de proximité, avec un rôle un peu différent. J’aime bien cette idée du RRH impresario qui va consacrer du temps pour vendre l’entreprise aux collaborateurs afin de construire une adhésion progressive à la stratégie, mais qui va aussi faire l’inverse, promouvoir auprès de l’entreprise, des dirigeants et de la DRH, les talents et les compétences de ses collaborateurs.

En conclusion, comment expliquez-vous l’apparition de cette génération Y qui n’existerait pas… ?
Il faut tout simplement se poser la question de savoir à qui profite le crime. On peut penser que la génération Y est d’abord un marché pour tous ces consultants qui ont lancé l’idée et qui ont écrit des ouvrages sur le sujet. Pour ma part, je formulerai une seconde hypothèse qui me paraît plus intéressante : je pense en effet que c’est la génération X qui a inventé la génération Y pour appeler au secours et demander de nouvelles règles du jeu en matière de comportement et de management. Les managers de la génération X ont en effet beaucoup de mal à faire passer les modes de performance et de comportement attendus par l’entreprise, car ils ne correspondent pas forcément à leurs propres valeurs. Quand ils s’étonnent que leurs collaborateurs de la génération Y veulent partir plus tôt, travailler depuis leur domicile, avoir un mode de communication plus interactif…, il est difficile de ne pas penser qu’ils prêchent pour leur propre paroisse, mais en se cachant derrière un paravent. Et pour eux, c’est tout bénéfice puisqu’ils seront gagnants des deux côtés. Si ces revendications aboutissent, de nouveaux espaces de liberté vont apparaître, et ils en profiteront eux aussi. Si elles sont retoquées, les nouvelles règles qui seront mises en œuvre pour rappeler à tous la règle du jeu leur permettront d’asseoir leur management.

Propos recueillis par Yves Rivoal
http://www.focusrh.com/
Publié le 02/12/2010

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